L’ÉQUIPÉ·E de l’ÉSTU aux Plateaux Sauvages
Tout au long de la saison 23/24, découvrez un temps fort ou une facette d’une école ou classe préparatoire de CDN. Ce mois-ci, suivons les élèves de la Séquence 11 de l’École Supérieure de Théâtre de l’Union (ÉSTU) de Limoges dans l’un des grands temps forts de leur deuxième année d’étude. Les 16 jeunes gens se préparent à investir les Plateaux Sauvages à Paris, du 4 au 6 avril, dans le cadre du Festival L’ÉQUIPÉ·E 2024. L’aboutissement sur scène d’un temps crucial d’exploration et de création collective, avec les contraintes d’une commande, durant lequel iels ont pu compter sur le regard exigeant et bienveillant de la dramaturge et metteuse en scène Pauline Sales et du comédien Alexandre Paradis.
Ce projet, noué entre Laëtitia Guédon, directrice des Plateaux Sauvages, et Aurélie Van Den Daele, directrice du Théâtre de l’Union et son école, s’inscrit pleinement dans les ambitions de cette dernière. “L’ÉSTU est l’une des 12 écoles supérieures d’art dramatique en France et la seule située dans une zone rurale, à Saint-Priest-Taurion, à 20 minutes de Limoges”, rappelle Alice Montagné, coordinatrice générale depuis le 1er novembre 2023, issue d’un parcours en production aux Tréteaux de France et à La Comédie de Valence. “Elle propose deux cursus différents : l’obtention du DNSPC (Diplôme national supérieur professionnel de comédien) en trois ans et une Classe préparatoire intégrée d’un an (recrutement tous les deux ans) qui s’adresse exclusivement à des jeunes issus des territoires ultramarins – une autre spécificité unique en métropole ! Le poste de coordination générale a pour mission d’accompagner les élèves dans des projets artistiques et dans leur insertion professionnelle afin de faire rayonner l’école au-delà du national.”
Une “école-monde” avec pour objectif l’insertion professionnelle
L’ÉSTU, « l’école du vivant », a pour ambition de former des acteur·trice·s afin qu’iels puissent raconter ou construire de nouveaux récits en prise avec les enjeux politiques et sociaux d’aujourd’hui. Résolument tournée vers le monde, l’ÉSTU propose une formation théâtrale dans toutes ses acceptations, spécifiquement liée aux écritures scéniques : classiques ou hybrides pour développer des regards curieux et aiguisés sur les mutations des mondes. Tout au long des trois années d’études, les élèves apprennent progressivement à créer et jouer devant différents publics, dans différents lieux. Iels bénéficient de longues sessions, au cours desquelles iels sont encouragé·e·s en tant qu’acteur·rice·s créateur·rice·s à développer leurs propres projets artistiques, au-delà de la seule interprétation. Le programme d’études intègre également des voyages, des partenariats artistiques locaux, régionaux et nationaux, visant à renforcer la visibilité des élèves-artistes hors de Limoges. À la fin du cursus, le spectacle de sortie, dirigé par un·e metteur·se en scène renommé·e (Ambre Kahan l’an prochain) marque la transition vers le monde professionnel. Cette première promotion sous la direction d’Aurélie Van Den Daele bénéficie de nouveaux partenariats, comme Les Plateaux Sauvages, et d’une dynamique de collaboration renforcée avec les institutions théâtrales régionales et nationales. Les cinq années après l’école sont déterminantes, c’est pourquoi les élèves sont suivi·e·s après leur sortie. Peu abandonnent et la plupart intègrent des jeunes troupes (Tours…) ou des projets de création (1200 TOURS) portés par des structures ou des compagnies.
“Les metteur·se·s en scène invité·e·s, tels Vanasay Kamphommala, Alice Laloy, Gurshad Shaheman, Julie Deliquet, Elsa Granat, le Collectif In Vitro ou encore Rebecca Chaillon, apportent des perspectives variées qui permettent aux élèves d’affirmer leur propre esthétique et créer des formes artistiques puissantes. Pour Aurélie Van Den Daele, l’ÉSTU doit vraiment être un laboratoire, une chambre d’écho, qui multiplie les rencontres aptes à ouvrir tout un champ de réflexions, de recherches, afin de favoriser l’insertion dans le monde professionnel.”
Alice Montagné
La proximité physique entre l’école et l’administration, au sein d’une grande maison en pleine campagne, crée par ailleurs un environnement propice à l’expérimentation et à la collaboration entre les étudiant·e·s, qui y vivent collectivement durant trois ans, doivent covoiturer pour se déplacer, etc. : “Les élèves issu·e·s de l’école ont beaucoup plus de capacité à faire groupe, travailler ensemble au plateau, se mettre au service de…” constate Alice Montagné.
L’ÉQUIPÉ·E 2024, un projet pour ouvrir le champ des possibles
Pour les élèves-artistes, la précarité étudiante est une vraie question, ce cursus laissant peu de temps pour un job annexe. Aussi, sur certains projets comme, récemment, les lectures dans des collèges dans le cadre du Festival des Francophonies, ou L’ÉQUIPÉ·E, les élèves perçoivent-iels une rémunération, ce qui leur permet de mieux comprendre le fonctionnement de l’intermittence.
« Le Festival L’ÉQUIPÉ·E 2024 répond parfaitement à tous ces enjeux », explique Alice Montagné. « La collaboration entre les Plateaux Sauvages, le Théâtre de L’Union et l’Estu propose un double défi de création et d’interprétation. Il s’agit de réaliser et d’interpréter six portraits d’une quarantaine de minutes autour de la place de la femme dans la société. Ce sont les élèves qui ont produit tout le travail, en petits groupes encadrés par Pauline Sales et son collaborateur Alexandre Paradis. Mais attention, ces derniers ne les dirigent pas ! Ils les accompagnent pour faire émerger et aboutir leurs propositions scéniques, en dramaturgie, jeu, écriture, mise en scène, selon les besoins. Mais toutes les décisions finales reviennent aux élèves. »
Pauline Sales, comédienne de formation, a vu ses textes s’imposer rapidement dans le milieu théâtral, lui ouvrant les portes de la Comédie de Valence en tant qu’autrice associée pendant sept ans. Puis elle codirige avec Vincent Garanger le Préau à Vire durant dix ans, où ils initient le festival ado. Autant d’expériences qui forgent son attachement aux différents publics et son désir de transmission auprès des jeunes générations.
« La commande, d’un point de vue pédagogique, visait à faire collaborer des personnes qui n’avaient pas encore beaucoup travaillé ensemble« , raconte-t-elle. « Nous nous sommes rencontré·e·s pour la première fois un week-end de septembre. J’avais préparé un questionnaire autour de figures féminines et masculines, célèbres ou anonymes, inspirantes. Très vite, des thématiques ont émergé : les mères, les militantes, les personnes queer, l’hypersexualisation de la femme, mais aussi les masculinistes / incels… Alexandre et moi avons ensuite constitué des groupes de 3 ou 4, selon les affinités avec tel ou tel sujet, et en essayant de mêler des personnes qui n’avaient jamais travaillé ensemble. Cette Séquence est exceptionnelle : malgré leurs différences, iels ont un vrai sens du travail collectif et sont très inventif·ve·s.”
En octobre, Pauline Sales a profité d’une présentation au MAIF Social Club pour aller les voir jouer et caler une nouvelle demi-journée de travail – un travail de “pitch” bref et efficace, qui a aussi servi aux Plateaux Sauvages pour communiquer sur chacun des six projets en quelques lignes.
“Nous avons ensuite échangé par mail, avec chacun des groupes, une fois par semaine, pour préciser les angles, apporter de la matière. Iels ont fait preuve d’initiative à tous les niveaux, dans le propos, l’écriture, la scénographie, les costumes. C’était un défi de penser à tout en amont alors qu’iels étaient en train de travailler sur des stages d’interprétation. Enfin, nous nous sommes revu·e·s deux semaines fin février – début mars à l’École du Théâtre de l’Union pour le passage au plateau et les répétitions à proprement parler. Avec Alexandre, nous avons essayé d’accompagner trois portraits par jour, ce qui était exigeant mais aussi très ludique, tant les univers sont différents. »
« Ma mission, c’est d’essayer de les faire accoucher de ce qu’iels veulent vraiment dire et faire, en restant du côté de la proposition et jamais de la direction. Sur chaque aspect (écriture, mise en scène, dramaturgie pure…), c’est vraiment iels qui décident à la fin. Et c’est parce qu’iels ont cette liberté de tenir compte ou pas de mes commentaires, qu’iels ne se sentent pas contraint·e par ma parole et que, de mon côté, je m’autorise à dire ce que je pense en toute franchise.”
Pauline Sales
Le dimanche 31 mars, tou·te·s prendront le train pour Paris afin de se retrouver aux Plateaux Sauvages, pour la dernière ligne droite. « C’est là qu’iels auront trois jours pour découvrir les espaces dans lesquels iels vont évoluer, comme le plateau, le studio, la salle transformable, avant d’entamer les premières représentations. Iels vont devoir s’adapter », s’enthousiasme Pauline Sales.
L’engagement de Pauline Sales et Alexandre Paradis souligne l’importance de la transmission intergénérationnelle dans le domaine théâtral. Un enrichissement qui n’est pas à sens unique :
« Travailler avec des jeunes de cet âge sur la durée m’apporte aussi énormément. J’apprécie notre mode de communication horizontal, basé sur l’honnêteté et le respect mutuel. Cela m’intéresse de voir comment iels s’approprient les sujets et quelles formes théâtrales iels souhaitent explorer, même si elles diffèrent parfois de la mienne. On entend quelque chose d’une génération. À cette époque où tout semble si cloisonné, où l’on est vite considéré comme “vieux”, c’est une richesse. Ces expériences m’ouvrent toujours d’autres possibles. J’ai adoré travailler sur L’ÉQUIPÉ·E et je serais ravie de repartir pour une nouvelle aventure, inventer un autre dispositif, autour d’autres rencontres. À l’heure où je vous parle, j’ai entendu dire que l’angoisse monte”, sourit-elle. “J’ai hâte de les voir sur scène, devant le public, c’est une expérience complète. J’espère que ce sera aussi prometteur que ce que je sens advenir !”
L’ÉQUIPÉ·E ÉDITION #6
Les portraits seront présentés deux fois chacun les 4, 5 et 6 avril aux Plateaux Sauvages et les 7 et 8 juin dans la programmation publique du Théâtre de l’Union.
DNSCP
• 135 élèves formé·e·s au sein de l’école depuis sa création
• 26 projets soutenus dans le cadre du fonds d’insertion, pour les deux dernières promotions sortantes, Séquence 9 (2016-2019) et Séquence 10 (2019-2022)
• Prochain concours : inscriptions à partir de septembre 2024, 3 tours de concours entre janvier et juin pour la rentrée 2025
CPI
• 2 promotions accueillies soit 20 élèves au total depuis la création de la CPI
• 75 % de réussite : 15 de ces 20 élèves ont intégré des écoles supérieures de théâtre
• 103 actions menées en Outre-Mer et 2 271 jeunes touché·e·s
• Recrutement en cours dans les territoires ultramarins, rentrée en septembre 2024